Réflexions sur l’Initiation.


A :. L :. G :. D :. G :. A :. D :. L’U :.

Réflexions sur l’initiation.

« Si le sens lui-même ne se laisse pas transmettre ni formuler en une doctrine valable et acceptable pour tous, les cérémonies rituelles, les « épreuves », elles, se formulent en obligations nécessaires, soumises à des prescriptions et consignes, érigées par la Tradition au-dessus de toutes les fantaisies. Chacun ne peut saisir le sens que lui inspire le rituel et qu’il en reçoit que par la qualité unique de son être et dans le caractère unique de sa vie 1 . »

De tous temps, les hommes, dès qu’ils ont eu conscience de la tragédie de l’existence humaine, se sont interrogés sur le mystère de la vie, de la mort, ainsi que sur leur présence sur la terre et sur le sens de cette présence.

1. Objet et définitions.

Des approches de réponses à ces questions existentielles ont pu être apportées par des systèmes religieux, tant qu’ils n’ont pas sacrifié leur contenu doctrinal et l’ont fait disparaître au profit d’une certaine idée d’administration politique du salut, par laquelle ils sont venus progressivement le substituer.

De ce fait l’initiation est devenue une sorte de double recours pour les cherchants : d’abord contre la perte de la puissance de l’esprit des mystères, abattue par la dogmatisation exotérique qui impose les pratiques au dépens du souffle de l’esprit, ensuite contre la déchéance ontologique de l’homme, chassé selon les cas de l’Éden, de l’Âge d’Or, ou d’autres formalisations de paradis perdus, c’est-à-dire, sous nos contrées, palier la chute de l’homme et encourager son désir de remonter aux bienheureux temps premiers, cette fois-ci en affrontant sa liberté aux épreuves de la vie.

L’initiation est donc un des moyens d’aider un cherchant à accéder aux secrets et mystères, en dépôt dans une société traditionnelle.

§ Cherchant : tout être désirant découvrir ce qui se cache derrière la matérialité visible et sa raison d’être dans le monde.

§ Secrets : moyens pratiques réservés à une classe d’élus, c’est-à-dire choisis par des membres de la société initiatique pour découvrir les mystères qu’elle recèle.

§ Mystères : choses cachées depuis la fondation du monde concernant l’origine et la destination de l’homme.

§ Dépôt : ensemble du corpus, propre à chaque société initiatique, par la voie desquels les secrets et mystères sont transmis : symboles, légendes, mythes, représentations imagées, sons et batteries, rites cérémoniels, instructions, etc.

§ Société traditionnelle : la tradition authentique est le facteur majeur de la légitimité initiatique d’une société telle que : confrérie de métier, sacerdoce, monachisme, chevalerie spirituelle, etc.

1

In Témoins du futur, Martin Buber, p. 480, Pierre Bouretz. Réflexions sur l’initiation.

§

Ésotérisme et occultisme :

Ces deux termes sont souvent confondus.

o L’ésotérisme consiste à essayer de voir ce qui se cache comme message essentiel et personnel sous les éléments du dépôt présentés au cherchant. o L’occultisme consiste à entrer en contact avec des entités invisibles qui entourent les êtres, au moyen de pratiques particulières.

La Franc-maçonnerie et tous les systèmes qui chevalerie, noachisme, marque, rosicrucianisme, l’ésotérisme ; en aucun cas de l’occultisme.

s’y etc.,

rattachent :

relève de

2. Historique des initiations.

L’origine des initiations se perd dans la nuit des temps. Toutes ont pour but de mettre l’être intégral (corps, âme et esprit) en état de recevoir les secrets et mystères transmis par la société initiatique et d’en tirer les fruits spirituels.

3. Vertus de l’initiation.

L’initiation permet au cherchant de se transformer, c’est-à-dire de devenir ce qu’il est, en se débarrassant de toutes les couches de personnalité artificielles que la vie sociale, privée, professionnelle, a déposées en lui au cours de sa vie. Elle lui donne le moyen de retrouver son unité étouffée sous ces couches, d’une part en se recentrant sur lui-même pour y trouver le foyer divin, et d’autre part en le libérant de tous ses sujétions et fers physiques ou mentaux pour le rendre apte à opérer pour le bien et s’affronter au mal dans le monde : élargissement de la perception de la réalité visible, accès à ce qui se cèle sous le visible, progression vers toujours plus de sentiment de la présence de Dieu, etc. Toute initiation est virtuelle, le récipiendaire peut ou non se réaliser, selon son degré « d’initiabilité » et selon la qualité de la transmission initiatique.

4. L’initiation maçonnique.

C’est une initiation parmi d’autres. Elle est transmise, plus ou moins purement, par la société traditionnelle des confréries du métier de Maçon.

Son but : faire de chaque initié un Temple Intérieur, avant d’aller plus loin dans la connaissance de soi et du monde. Son modèle de référence : le Temple de Jérusalem. Ses moyens : les symboles du métier, les rituels de réception, la méditation sur les tableaux de Loge, les catéchismes, les textes régulateurs et doctrinaux, les épreuves — préparations, voyages, éléments, etc. Il est inexact de penser que des travaux philosophiques ou intellectuels ont un effet initiatique sur ceux qui les écoutent ; le plus souvent elles servent la satisfaction de ceux qui les présentent sous couvert « d’instruction ».

2 Réflexions sur l’initiation.

Dans le cas le plus défavorable, elles peuvent même conduire à décourager ou désintéresser ceux qui les subissent, en leur faisant croire qu’ils ne sont pas « à la hauteur » de celui qui exhibe sa prose. Tout l’effet initiatique ne peut provenir que la transmission « en esprit et en vérité » du dépôt traditionnel de la société initiatique auquel tout esprit ouvert peut avoir accès (Écarter le « compliqué » car il passe à côté de l’essentiel ; cf. « Laissez venir à moi les petits enfants ».)

À remarquer qu’au RER, les outils de construction de son Temple Intérieur sont les quatre vertus cardinales.

On reconnaît un Maçon réellement initié aux quatre marques suivantes : il est devenu juste et pondéré dans ses jugements (vs péremptoire et agressif), tempérant dans la durée dans son comportement (vs emporté, coléreux), intelligent, capable de discerner avec prudence le vrai du faux, le bien du mal (vs décideur impulsif à l’emporte-pièce) et courageux devant des décisions difficiles à prendre (vs pleutre, lâche, apte à la compromission pour fuir ses responsabilités). L’humilité étant la qualité transversale indispensable. Il est celui que l’on va chercher pour bénéficier de ses ressources humaines et spirituelles, en particulier en cas de doutes ou de difficultés. Il est prêt à agir pour contribuer à restaurer la beauté du monde.

5. L’initiation chevaleresque au RER.

Elle complète l’initiation maçonnique, dans la mesure où elle conduit les récipiendaires à connaître l‘existence d’un Ordre mystérieux : « le Haut et Saint Ordre », invisible mais présent au travers du rituel de réception de l’Écuyer et du Novice et celui de l’armement (voies royale et sacerdotale). Par cette initiation « plus parfaite ». Par cette connaissance qui le guide dans sa vie, le récipiendaire devient un véritable chevalier usant de la force pour être utile à ses Frères, à ses semblables, et au monde.

Il serait paradoxal que des Chevaliers Maçons de la Cité Sainte, par exemple, soient « moins chevaliers » que les courageux profanes qui n’hésitent pas à risquer leurs vies pour venir en aide à autrui : exemples les sauveteurs en mer dans la tempête, les pompiers dans la fournaise, ou les soldats disposés à sauver des otages prisonniers de fanatiques sans scrupules ni respect de la vie, qui savent les risques mortels qu’ils prennent, mais qui répondent à la marque de la chevalerie moderne et à son besoin brûlant dans le monde pour qu’il ne sombre pas dans l’indifférence individuelle et dans l’agonie de la civilisation. L’engagement attendu du CBCS ne relève naturellement pas des types ci-dessus, mais il importe que chacun cherche et trouve quels sont les desseins dont la Divine Providence lui a confié l’exécution par la force qui lui est donnée pour l’accomplissement de sa vocation 2 .

2

In Troisième discours du Député Maître (rituel de réception d’un nouveau Maître Écossais de Saint-André).

3 Réflexions sur l’initiation.

Ici encore moins que dans l’initiation maçonnique, il n’y a aucune place pour la littérature, les beaux discours, les envolées lyriques, les délires « d’ivresse spirituelle » et autres « ersatz » d’initiation, pas de place pour la course aux places, etc., mais seulement l’exigence de silence, de profondeur, de dignité, d’honneur et d’action, animée par la puissance des trois vertus théologales.

6. Conclusion.

Pour que l’initiation reste un vecteur d’illumination de l’être, et ne devienne pas un simulacre, un jeu de rôle, un divertissement, voire de la contre-initiation, il importe :

§ que chaque postulant à l’initiation comprenne bien que ce n’est pas lui qui va influencer sa société initiatique mais que c’est la société initiatique qui lui propose une offre ésotérique « à prendre ou à laisser. » Car l’initiation n’est ni « dépassée », ni adaptable aux idées à la mode ; pour rester ce qu’elle et ne doit pas cesser d’être, elle doit rester intemporelle.

§ que les responsables chargés de transmettre l’initiation n’accèdent pas à cette fonction par la recherche de place ou « parce que leur temps est arrivé », mais qu’ils soient bien conscients qu’ils ont la lourde charge de faire en sorte que le récipiendaire soit initié (certes virtuellement).

§ que les initiés fassent comprendre à ceux qui ne l’ont pas compris que l’initiation ne passe pas par des enseignements culturels, intellectuels ou philosophiques ou autres discours compliqués, mais par la qualité de la transmission traditionnelle et par la rigueur de l’instruction, sans apports de vues ou d’opinions personnelles.

§ qu’il faille accepter que pour certains l’initiation « ne prend pas » (pas de transformation, pas d’engagement dans le monde), mais qu’ils ont quand même leur place dans la société initiatique, du moment qu’ils y sont heureux, qu’ils y manifeste de la fraternité sincère, et qu’ils ne la perturbent pas par des manœuvres factieuses, des recherches inopportunes de « postes » ou de titres inadaptés, ou par des comportements indignes, mais à la condition qu’ils sachent rester à leur place. Car en aucun cas, il ne nous appartient « de rompre le roseau qui ploie, ni de souffler sur la flamme qui vacille. ».

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