TESTAMENT POLITIQUE DE THEODORE DE 1er, ROI DES CORSES


TESTAMENT POLITIQUE  DE THEODORE DE 1er, ROI DES CORSES

Conforme à la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978.

Extrait du TESTAMENT POLITIQUE DE THEODORE 1ER, ROI DES CORSES. Publié en 1895.

Neuhoff Théodore de 1694/1756. Document, écrit et signé de la main de Théodore.

THEODORE :

Théodore Antoine, baron de Neuhoff, naquit à Metz en 1690 ; il mourut à Londres en 1756. Son père possédait une baronnie dans le canton de Marck (Westphalie) ; il avait été capitaine des gardes de l’évêque de Munster ; mais, s’étant marié avec la fille d’un marchand, il fut disgracié et se vit obligé de se retirer en France, où la duchesse d’Orléans, lui fit obtenir le commandement d’un fort dans le pays Messin.
A sa mort (1695), son fils, Théodore Antoine, dut admis très jeune parmi les pages de la duchesse d’ORLEANS Il en sortit à 17 ans et entra en qualité de lieutenant dans le régiment de la Marck, au service de la France ; mais il n’y resta que peu de temps. Son esprit aventureux et son ambition précoce le firent passer dans l’armée Impériale, de là en Espagne, ou le cardinal Alberoni l’employa à comploter le rétablissement des Stuart sur le trône d’Angleterre.
Il resta à la cour de Madrid avec le titre de colonel honoraire, et fut chargé par le cardinal Alberoni de diverses missions diplomatiques. Après la chute de ce ministre, il resta en faveur auprès de son successeur, le duc de Riperda.
En Espagne, comme en Angleterre et en Italie, il contracta de grosses dettes qu’il ne paya jamais. Partout il chercha à inspirer confiance en se donnant des titres peu authentiques, tels que celui de chargé d’affaires de l’Empereur Charles VI.
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Des émigrés corses avaient connu Théodore à Florence, en 1732 ; ils crurent trouver en cet homme lié de connaissance avec presque toutes les cours d’Europe, en cet homme habile, entreprenant, un chef capable d’assurer l’indépendance de la Corse. Ils lui offrirent la couronne, par l’entremise de l’abbé Orticoni.
Théodore accepta l’offre des Corses, et cela fait, il parcourut l’Europe, demandant à toutes les Cours des secours qu’il n’obtint pas. Il passa ensuite à Tunis, où il vit le bey, qui lui accorda, en vue du succès de son entreprise, des secours considérables. Théodore arriva en Corse, le 12 mars 1736, et fut reçu par les Corses comme libérateur ; il fut porté en triomphe au château de Cervione, ou il installa sa petite Cour.
Aussitôt après il attaqua les Génois et les battit dans deux rencontres. L’enthousiasme ne connut alors plus de bornes, et la Consulta générale convoquée le 15 avril à Alésani, l’élut à l’unanimité Roi des Corses, sous le titre de Théodore 1er. Le nouveau roi obtint de nouveaux succès ; mais l’argent s’épuisant et les secours demandés n’arrivant pas, Théodore se rendit à Livourne, Rome, Paris, Amsterdam. Il éveilla partout une grande curiosité, obtint quelques secours et débarqua de nouveau en Corse, le 15 septembre 1738. Il avait avec lui 3 vaisseaux portant 174 canons, plusieurs chaloupes-canonnières, une petite flottille de transports renfermant 24 pièces de campagne, 9000 fusils ou pistolets, 50 000 Kilos de poudre, 100 000 kilos de plomb. Théodore trouva le pays divisé et découragé ; le peuple conduisit cependant de nouveau son roi en triomphe à Cervione. C’est à ce moment que se produisit l’intervention française, à laquelle le peuple avait été préparé par les partisans d’une annexion de l’Ile de France. La vérité sur Théodore s’étant faite, les Corses ne virent plus dans ce personnage qu’un aventurier aux moyens douteux ; ils cessèrent de croire en lui et aux alliances qu’il faisait miroiter à leurs yeux.

Abandonné de ses sujets, il abdiqua er se retira à Londres.
On a parlé assez longtemps de moi dans le monde pour que je puisse supposer que l’on sera bien aise de me connaître. Je me propose cependant un but utile et plus glorieux que la vaine satisfaction de détruire les faux préjugés que mes ennemis et mes envieux ont rependu en Europe.

Ma vie est si mêlée d’événements de la bonne et de la mauvaise fortune, qu’un tableau exact de la façon dont je me suis conduit dans les principales circonstances où je me suis trouvé ne peut être que très instructif.

Les princes et le commun des hommes y verront des leçons également importantes ; ceux qui liront ces mémoires, avec un esprit libre de c, apprendront à mieux juger de moi, des peuples dont j’aurais fait le bonheur, et regretteront, peut-être, que je ne sois plus en état d’exercer des droits confiés aussi librement, qu’enlevés avec légèreté.

On aurait tort de regarder cet ouvrage comme une apologie intéressée de ma conduite : je ne dois qu’à mon bonheur et à ma gloire cette espèce de justification. Bien loin de me livrer aux espérances vagues d’une ambition que tant de malheurs ont limitée, je n’aspire plus qu’à finir paisiblement ma vie, dans un repos que je regardais, il y a trente ans, comme une espèce d’anéantissement.

Choisi par les suffrages empressés d’une nation qui rentrait dans l’exercice de ses droits, par l’abus que ses maîtres avaient fait des leurs, je n’ai point balancé sur l’offre d’une couronne où m’appelaient les voeux de la Corse opprimée. j’ai osé prendre rang parmi les souverains, et, si la fortune avat poursuivi son ouvrage, j’aurais occupé un trône, sur lequel ma postérité serait assise avec justice.

On a eu des idées bien diverses sur ce qui me regarde : mon pays, mon état et mes premières occupations ont été la matière des plus ridicules jugements. Je vais débrouiller ce chaos et paraître tel que je suis ; la vanité n’a aucune part dans les détails où je me crois obligé d’entrer. On ne me soupçonnera pas de vaine gloire dans ce que je dirai de ma naissance, du point d’élévation où je me suis vu. Les objets du petit amour-propre de la plupart des hommes ne me paraissent que ce qu’ils sont ; du reste les révolutions surprenantes de ma fortune m’ont appris à apprécier des grandeurs bien plus éblouissantes.

Je suis issu d’une famille noble, et né dans un pays où le préjugé de la naissance est un avantage trop réel pour ne point régner avec empire.

Mes ancêtres ont toujours tenu rang assez considérable dans le cercle de Westphalie ; mon père, dévoué de tout temps à la maison Palatine, suivit l’empereur Maximilien de Bavière, dans les événements qui ont bizarrement diversifié le cours de la vie de ce bon prince.

Je vins au monde pendant son attachement aux intérêts de l’Electeur de Saxe, au mois de janvier 1690. Je n’entrerai pas dans le détail des événements qui se sont passés dans mon enfance, même de deux auxquels un âge plus mûr m’a permis de prendre part. On a tant de mémoires sur ce qui s’est passé dans les dernières années de ce siècle, et l’on est si fort instruit des opérations militaires et politiques qui suivirent la mot de Charles second, roy d’Espagne, que tout ce que je pourrais dire ne serait qu’une ennuyeuse répétition.

Je me borne donc aux choses qui me sont personnelles, et, si quelquefois je suis obligé de parler des événements publics, c’est toujours dans le rapport qu’ils ont à mes affaires particulières.

A peine la paix de Rastadt avait-elle rétabli Maximilien dans la possession de son électorat, que ce prince me donna des preuves de l’estime qu’il avait pour mon père. Je passais, promptement, d’une compagnie du régiment de ses gardes au commandement du régiment du régiment d’Infanterie du Prince électoral. Je restais deux ans à la Cour de Bavière avec assez de tranquillité ; je faisais assidûment ma cour à Maximilien et à la Maison électorale. Je songeais à me marier ; mais une plus forte passion réveilla des idées de gloire et de fortune auxquelles il ne me fut pas possible de résister ; et, croyant ne différer mon mariage que de quelques mos, je me vis peu à peu dans la nécessité de n’y plus songer pour longtemps.

Le calme de la paix de Rastadt fut troublé par l’invasion subite que les Turcs firent en Morée, qui attaquèrent quelque temps après l’ile de Corfou ; l’Empereur, obligé de secourir les Vénitiens, se termina à la guerre ; M. le Prince Eugène en eut la conduite en Hongrie. J’aurais fort souhaité partager la gloire des deux princes en campagne ; mais il ne me fut possible de joindre l’armée qu’au printemps de 1717. M. le Prince Eugène venait d’investir Belgrade ; le grand-vizir ayant ramassé toutes les forces ottomanes m’archait pour nous en faire lever le siège.

Tout le monde connait la situation de Belgrade. Il était impossible au général de l’Empereur d’étendre son quartier de façon à embrasser tout le contour de la place ; le confluent du Danube et de la Saxe rendait cette position par trop hasardeuse. Il se borna donc à établir son armée entre les deux rivières, et à veiller sur les autres côtés de la ville par de fréquents détachements de cavalerie et de troupes légères. A peine le siège était il formé que l’approche du grand-vizir avec une armée de 200.000 homes nous annonça que nous n’achèveront pas le siège de Belgrade sans combattre…………..

A suivre ……….